Un roman très noir de Thierry Jonquet
Les nouveaux fascistes
Des juifs persécutés, des lycéens lynchés, des jeunes filles brûlées : un polar terrifiant aux portes de Paris
Rares sont les romanciers français qui se confrontent aux problèmes sociaux les plus brûlants. Houellebecq, François Bon, quelques autres. Ce terrain quasi à l'abandon, un genre populaire comme le policier l'occupe. Le roman de Thierry Jonquet, « Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte », s'attaque frontalement au problème des banlieues. C'est un livre terrifiant.
Il se déroule dans un collège « difficile » d'une cité de la périphérie nord-est de Paris, pendant les émeutes de l'automne 2005. Une jeune femme, d'origine juive, plutôt à gauche, bref, une enseignante ordinaire, y obtient sa première affectation. Elle découvre la misère noire des écoles de banlieue, l'impossibilité de faire cours, les adolescents à l'abandon, l'analphabétisme, les ravages de la sous-culture diffusée par la télévision et les magazines people. Elle découvre la terreur quotidienne, et aussi la compassion.
Elle découvre l'agonie des banlieues rouges, devenues des enclaves dans lesquelles la loi islamique se substitue à la loi républicaine, les petits truands locaux se partageant le territoire, l'antisémitisme banalisé, l'oppression des femmes. Elle découvre les habitants des cités humiliés, insultés, soumis à la tyrannie de quelques « jeunes ». Contre tout cela, un système éducatif en ruines ne peut plus rien, ou presque rien.
Au moment où l'on menace de mort un professeur qui critique l'islam, Thierry Jonquet prend des risques. Le moindre étant de se faire traiter de raciste ou de réactionnaire par les professionnels du prêt-à-penser, par ceux qui préfèrent l'idéologie à la réalité. Ils auront leur responsabilité dans les désastres à venir. Jonquet montre, sans manichéisme, la naissance d'un nouveau fascisme. Car il ne faut pas s'y tromper : c'est bien un fascisme, sous une forme inédite, qui se fabrique dans nos banlieues. Un fascisme sauce islamiste. Certes, ce fascisme-là diffère de l'ancien dans la mesure où il recrute dans les populations issues de l'immigration. Mais tous deux ont en commun la barbarie, la politique de la terreur, la haine des femmes et des minorités sexuelles, la haine de la science, la haine de la République et de la démocratie, le racisme, l'antisémitisme, le négationnisme. L'un passe à l'autre les « Protocoles des sages de Sion ».
Les tyrans recrutent classiquement leurs hommes de main chez les déclassés et les petits truands. Avec des victimes, ils fabriquent des machines à faire des victimes. Jonquet cite à propos un texte de Marx condamnant à l'échec les révolutionnaires qui s'appuieront sur la «racaille du lumpenproletariat». C'est notre lumpenproletariat qui persécute les juifs, lynche les lycéens, brûle les jeunes filles, lapide les pompiers, chasse les médecins et incendie les écoles. Il faut souhaiter que les SA de demain ne soient pas déjà nés dans nos banlieues. Jonquet nous montre notre cauchemar. Il est là, il est en train de devenir notre monde.