Quand renoncement rime avec argent
En 2004, 13% de la population déclare avoir renoncé à
des soins faute de moyens : soins dentaires, optiques et
consultations de spécialistes sont les premiers touchés.
Moins bien pris en charge par la Sécurité Sociale, ces
soins relèvent le plus souvent de démarches de prévention
couvertes par l'assurance complémentaire. Or, une
personne sur dix n'en a pas : en particulier les homme
jeunes, les personne très âgées, les ménages d'employés
de commerce et les ouvriers.
Ces catégories ont souvent un travail précaire et sont
moins susceptibles de bénéficier de complémentaires
dans le cadre d'accord collectif d'entreprise, tout en
étant au-dessus des seuils d'affiliation à la CMU.
Résultat : elles sont en moins bonne santé que le reste
de la population, consomment nettement moins et sont
directement touchées par les réformes de la sécurité
sociale cumulant augmentation du ticket modérateur et
déremboursements massifs. A l'heure actuelle, le taux
de remboursement tourne autour de 70-75% du prix.
Certains proposent de le réduire encore, pourtant, il est
démontré qu'au-delà de 25% du prix à la charge du
patient, un effet de renoncement aux soins apparaît.
Les médicaments et traitements de demain s'annoncent
coûteux, de plus en plus personnalisés et préventifs. Qui
va en bénéficier ? Comment déterminer ce qui relève de
la prise en charge collective et ce qui relève du confort,
du superflu, du personnel ? Comment élaborer un
panier de soins qui garantisse l'égalité de l'accès aux
soins ?
Quant aux bénéficiaires de la CMU ou de l'AME, les
enquêtes récentes menées par le Fonds CMU et
Médecins du Monde sont inquiétantes : refus direct de
soins, demande d'avance de frais ou fausse indisponibilité
sont à la hausse. Dentistes, gynécologues et spécialistes
sont près de 40% à refuser un patient CMU et les
chiffres s'envolent pour l'AME ! En revanche, seule une
très faible minorité des généralistes de secteur 1 pratiquent
cette discrimination.
Les sirènes du libéralisme : attention danger !
Pour certains, mettre fin au monopole de la sécurité
sociale et donner à chacun la liberté de s'assurer auprès
de l'assureur de son choix est "la solution" tant pour
garantir l'égalité entre tous que pour améliorer la rentabilité
et l'efficience du système. Rappelons que le système
américain, parangon de ce modèle, ne brille pas par
ses performances : indicateurs de santé mauvais, près
de 16% de la population non couverte par une assurance
au détriment des femmes, des enfants, des personnes
de couleurs, des plus pauvres et des plus
malades. Tout ça pour 16% du PIB consacrées aux
dépenses médicales, soit le double du ratio français
pour les dépenses par habitant. Un modèle d'avenir ?