Allocution de M. Nicolas SARKOZY, Président de la République, lors de la cérémonie d'hommage aux martyrs du Bois de Boulogne.
Mesdames et Messieurs,
Nous voici donc au Bois de Boulogne, en ce lieu tragique où 35 jeunes résistants furent fusillés par la Gestapo il y a 63 ans.
Massacre inutile, absurde, à quelques jours seulement de la libération de Paris alors que tout est joué. Ce n'est pas un acte de guerre. C'est un meurtre perpétré de sang-froid, un acte de vengeance.
Au moment même où ils sont exécutés, les 35 résistants capturés par traîtrise sont déjà des symboles. Ils le sont aux yeux mêmes de leurs bourreaux. Sur les visages des 35 martyrs dont beaucoup ont à peine 20 ans, les bourreaux lisent leur défaite désormais inéluctable et, ce qui leur est plus insupportable encore, la préfiguration d'un avenir où ils n'auront plus leur place.
Ils ont trop tué. Ils ont trop de sang sur les mains. Ce ne sont plus des soldats, ce sont des assassins qui ne sont plus mus que par le seul instinct de mort et de destruction.
Ici en ce 16 août 1944, ces 35 jeunes Français qui vont mourir incarnent ce qu'il y a de plus noble dans l'homme face à la barbarie.
Ici en ce 16 août 1944 ce sont les victimes qui sont libres et les bourreaux qui sont esclaves.
Les résistants sont jeunes. Ils vont mourir. Mais ce qu'ils incarnent est invincible. Ils ont dit « non », « non » à la fatalité, « non » à la soumission, « non » au déshonneur, « non » à ce qui rabaisse la personne humaine, et ce « non » continuera d'être entendu bien après leur mort parce que ce « non » c'est le cri éternel que la liberté humaine oppose à tout ce qui menace de l'asservir.
Ce cri nous l'entendons encore.
Ce cri, je veux que dans les écoles on apprenne à nos enfants à l'écouter et à le comprendre.
Si nous voulons en faire des hommes et non de grands enfants, nous avons le devoir de leur transmettre à notre tour cette idée de l'homme que les générations passées nous ont léguée et au nom de laquelle tant de sacrifices ont été consentis.
Si j'ai tenu à faire ici ma première commémoration en tant que Président de la République, dans ce lieu où de jeunes Français furent assassinés parce qu'ils ne pouvaient pas concevoir que la France reniât toute son histoire et toutes ses valeurs,
si j'ai tenu au premier jour de mon quinquennat à rendre hommage à ces jeunes résistants pour lesquels la France comptait davantage que leur parti ou leur Eglise,
si j'ai voulu que fût lue la lettre si émouvante que Guy Môquet écrivit à ses parents à la veille d'être fusillé,
c'est parce que je crois qu'il est essentiel d'expliquer à nos enfants ce qu'est un jeune Français, et de leur montrer à travers le sacrifice de quelques-uns de ces héros anonymes dont les livres d'histoire ne parlent pas, ce qu'est la grandeur d'un homme qui se donne à une cause plus grande que lui.
Je veux par ce geste que nos enfants mesurent l'horreur de la guerre et à quelle extrémité barbare elle peut conduire les peuples les plus civilisés.
Souvenez-vous, enfants de France, que des hommes admirables ont conquis par leur sacrifice la liberté dont vous jouissez.
Mais souvenez-vous aussi que la guerre est terrible et qu'elle est criminelle.
Puissions-nous faire que dans le monde que nous vous laisserons le risque de voir triompher cette barbarie ait disparu.
Que le souvenir du grand crime que nous commémorons aujourd'hui vous pousse à œuvrer pour la paix entre les hommes.
Qu'il vous fasse comprendre que pour mettre fin au cycle éternel du ressentiment et de la vengeance il a fallu construire l'Europe.
Qu'il vous fasse comprendre pourquoi la réconciliation franco-allemande fut une sorte de miracle, et pourquoi rien jamais ne doit conduire à sacrifier l'amitié qui après tant d'épreuves lie désormais le peuple français et le peuple allemand.
Enfants de France, soyez fiers de vos aînés qui vous ont tant donné, et soyez fiers de la France au nom de laquelle ils sont morts.
Aimez la France comme ils l'ont aimée, sans haïr les autres.
Aimez la France parce que c'est votre pays et que vous n'en avez pas d'autre.
Vive la République !
Vive la France !
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